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2021/09/26

Islatravir et innocuité


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Islatravir et innocuité

Par Charles-Edouard!

La HAS peinant à statuer, on lit parfois du grand n'importe quoi (anonyme, sur le net):


Mais d'où diable donc cela sort-il ??? Les conditions d'inclusion à ANRS-4D et à QUATUOR sont 1 an de succès virologique certain. Le traitement commence par une posologie de cheval (induction) suivi, en cas de succès et stabilité, d'un allégement. On ne commence par l'allègement ni le premier jour ni la veille de sa propre mort! L'indéctectabilité doit être atteinte et confirmée par une test à + de 6 mois (cf rares cas, vus dans essai Gilead, par exemple, la charge peut être indétectable une première fois, puis remonter, c'est Raffi qui en a parlé, c'est dire!), on se laisse un peu de marge, donc cela mène à environ 12 mois après la première indetectabilité... Voilà, c'est simple: trop tôt on perd le bénéfice de l'induction, trôt tard ce sont des années de surmédication inutiles en trop!

Islatravir, un développement pas très XXI siècle


Dans de précedents billets, on avait vu comment Dolutégravir marque une évolution fondemmentale dans la chimie pharmaceutique et les inhibiteurs en particulier. On retrouve cette même modernité dans le developpement d'Antiviraux anti-SARS. L'idée est simple et la technologie la plus moderne commence à le permettre. L'inibition est un système clé-serrure: mieux une clé est adaptée à la serrure, plus elle est efficace: elle colle au plus près de la fonction et empèche donc toute autre molécule d'accéder à l'enzyme, c'est à dire à la protéine qui catalyse la réaction. Pas de catalyseur, pas de réaction. [Pour rappel, en chimie classique, un inhibiteur s'appèle un poison, dont l'exemple le plus connu est... le plomb (comme il bousillait la fonction du pot catalytique, on l'a retiré...)]

La méthode moderne bénéficie des dernières avancées en imagerie/cartographie des protéines (dont les enzymes). C'est long, c'est compliqué, mais peu ou prou on arrive à faire une carte 3D, avec une très grande définition du profil cotier, donc de la rade qui abrite le catalyseur. Reste à concevoir une Sardine qui vienne bloquer le port de Marseille. Il faut beaucoup d'outils, la carte et des logiciels de docking qui calculent l'affinité, l'encombrement stérique, etc.

Il y a une méthode et des outils. Au point que cela pose la question de la 'découverte'. En effet, la serrure commande la clé et il n'y a pas 2 clés parfaites pour la même serrure! Celui qui présente une clé optimale pour la serrure va obtenir le brevet, donc l'exclusivité. Or, il n'a fait que faire le 'négatif' de la carte. Se pose alors la question de la juste rémunération de celui qui aura fait... la carte! Parce que la vraie découverte, c'est la carte, et l'invention c'est son symbole (au sens étymologique de contre-pièce). Et à une carte donnée il n'y a qu'un pharmacore optimal. Ce qui interdit toute invention ultérieure! Dolutégravir marque une nouvelle génération d'INI et aussi sa fin. Les améliorations possibles, relativement à ce site catalytique, sont marginales. Qu'on ne s'étonne donc pas que Bictégravir (Gilead, en fait Japan Tobacco, Tokyo) soit le sosie du Dolutegravir (GSK, en fait Shionogi, Osaka): tout cela beigne dans le même verre de saké!

Eh bien, Islatravir, c'est tout l'inverse! C'est une molécule fin-de-siècle, développée à l'ancienne, et conservée dans un placard (si, si, cette partie là fait un peu mal au coeur , quand on y pense), c'est du à l'intuition, à l'experimentation, à l'expertise.

Islatravir: épisode 2, l'innocuité


On l'a vu dans un épisode précedent (à lire absolument), la base de départ est un ARV de merde (on y reviendra) qui a été travaillé pour optimiser la reconnaissance. Génial sauf que d'autres enzymes la reconnaissent aussi! Ca brouille la transcriptase inverse (quelle saleté!) mais aussi des polymérases naturelles et utiles. Shit!

Islatravir et... antibiotiques


On dispose de nombreux antibiotiques nucléosidiques naturellement isolés. La plupart d'entre eux ont été modifiés avec un nucléoside physiologique, et bienqu'ils aient une activité antibactérienne et antitumorale élevée, ils étaient également très toxiques et ne pouvaient pas être utilisés en clinique (ex: Tubercidine, Aristeromycine, Nucleocidine...). Ils étaient inutilisables... Par conséquent, dans les années 1960 et 1970, les chimistes des nucléosides ont encore modifié chimiquement ces antibiotiques modifiés sur un seul site dans le but d'obtenir des nucléosides avec une meilleure activité biologique.

Cependant, une fois modifiée, l'activité a été perdue dans tous les cas. Zut!!! Donc, tu titilles ton truc en un point (voire davantage), tu élimines la toxicité, mais adieu l'efficacité! Inutile de dire qu'au tournant des années 80, plus personne ne faisait ça...

Ainsi, de nombreux chercheurs à cette époque ont quitté la chimie des nucléosides, affirmant que « la chimie des nucléosides n'a pas de perspectives d'avenir » (surtout aux États-Unis, il est devenu difficile d'obtenir des fonds de recherche et le mouvement a été rapide). Cependant, les chercheurs nippons ont supputé que "perte d'activité signifie perte de toxicité".

Perte d'efficacité sur la polymerase


L'idée est la suivante. Le probléme est à 2 volets: la molécule retenue est efficace contre la Transcriptase inverse (good) et la Polymerase (not good). Si on cherche à réduire la toxicité du couple molécule/polymérase par la voie classique (doréanavant abandonnée) on va reduire la toxicité (vis à vis Polymerase) et l'efficacité (vis à vis la Polymérase), ce qui est une bonne chose car cela reduira d'autant la toxicité due à l'efficacité sur la Polymérase !

Par conséquent, si la toxicité du 4'SdN dans lequel l'un des nucléosides physiologiques est modifié est élevée, on considère que la toxicité peut être réduite en le modifiant davantage. En effet, la polymérase d'acide nucléique humaine reconnaît notre nucléoside modifié (la molécule candidat) à un endroit (elle l'attire comme port d'attache) et l'intègre dans l'ADN ou l'ARN, mais on s'attend à ce qu'un nucléoside modifié à deux endroits ou plus ne soit pas reconnue et ne l'attire plus !

Voilà! l'aieul d'Islatravir vient de perdre sa virginité toxicité !


... Sans perdre au passage son efficacité vis-vis la transcriptase inverse. Un aieul efficace, dont les premiers descendants sont non toxiques... Et ce n'est pas finit! Les chercheurs vont travailler le métabolisme (la durée de vie), car c'est l'objectif: faire un ARV moins cher!

Bon... On verra cela une prochaine fois

Le génie français: Sonigo et Raoult, toujours...


Il faut lire les meilleurs! Le meilleur microbiologiste moderne et accessible, c'est Raoult, à moins que vous n'ayez quelqu'un d'autre à proposer, si vous souhaitez. Même s'il n'est pas impliqué dans le problème du moment, il nous faut lire et relire Sonigo. Lequel avait prédit, sur la base de considérations générales, la perte de dangerosité du virus, au grè de ses mutations inéluctables. Va pour la règle générale, et on verra si la Spikisation massive vient ou non perturber le contexte. On verra... Reste que Raoult, il vient avec des billes, des génomes: le virus/variant ne peut pas ne pas muter et son effet décroit au grè des mutations successives. Voilà... L'avenir usuel d'un variant, c'est de disparaitre, sous environ 2 mois à compter de son émergence. Toute une nouvelle compréhension des épidémies de virus à ARN émerge aux yeux du public.

Pour mémoire, LA vidéo de Raoult qui consacre cette érosion est ici. Erosion envisagée par Sonigo et citée dans mon billet ici. Parce qu'il faut lire et relire Sonigo! Et on applaudira la préscience dans ce numéro du JDS, remarquable! L'interview date de ... 1996! on y lit:
On lira aussi avec intérêt l'interview de Leibowitch, et en particulier ceci
Pourquoi est-ce important? parce que c'est le point d'orgue d'une serie de billets à venir sur la responsabilité des uns et des autres (y compris des patients) dans le surdosage. A suivre...

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Fermez la TV et ne vous laissez pas tromper par la vérologie pharisienne


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