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Des cycles courts de médicaments antirétroviraux fournissent une thérapie intermittente mais efficace : une étude pilote chez 48 patients avec infection chronique au VIH
RÉSUMÉ :
La présente étude a évalué l’efficacité d’un traitement antiviral intermittent de patients infectés par le VIH, avec réductions progressives en médication hebdomadaire. 48 patients ont été invités à réduire leur traitement antiviral à 5 jours consécutifs par semaine ; après vérification de l’activité du VIH, les antiviraux ont été réduits à 4 jours consécutifs par semaine. Sur les 48 patients, 39 ont ensuite encore réduit leurs traitements à 3 jours, et 12 d’entre eux finalement à 2 jours par semaine. Le statut clinique et immunologique et la charge VIH plasmatique ont été contrôlés de façon répétée. Le VIH a été constamment maintenu sous les niveaux de détection chez tous les patients sous traitement de 5 ou 4 jours / semaine, pour une moyenne de 56 ± 40 semaines / patient (régime 5 jours) et 84 ± 46 semaines / patient (régime 4 jours). Des 39 patients en régime 3 jours, 35 ont maintenu un contrôle optimal de leur activité VIH pour une moyenne de 50 ± 32 semaines, comme 10 des 12 patients sous régime 2 jours, pour 24 ± 10,5 semaines. En résumé, pour le traitement de 5 jours / semaine, le VIH plasmatique est resté sous les niveaux de détection pour un total de 8895 semaines (170 patients.an). Aucun évènement clinique majeur lié au VIH n’a été rapporté, et les décomptes et pourcentages de cellules T CD4+ ont rapidement augmenté au-dessus de la dernière valeur notée en régime 7 jours. Un rebond viral a été documenté chez 6 des 48 patients : 4 en régime 3 jours, 2 en régime 2 jours. Tous les 6 patients ont vu leur traitement ramené rapidement à 7 jours / semaine, ce qui a rendu un contrôle rapide de la réplication du VIH. En résumé, des régimes antirétroviraux intermittents ont supprimé de façon optimale le VIH chez des patients prenant des traitements antiviraux 5 et 4 jours/semaine, ainsi que, dans des proportions substantielles, chez des patients prenant des traitements antiviraux 3 et 2 jours/semaine, ce qui réduit à la fois les frais et, éventuellement, la toxicité des médicaments. Des essais cliniques prospectifs contrôlés sont souhaitables avant d’envisager des cycles hebdomadaires courts de traitements antirétroviraux comme alternative dans la gestion de patients à infection chronique au VIH.
Introduction :
En dépit de progrès dans les combinaisons de médicaments anti-VIH, aucune n’a atteint l’objectif de traitement définitif (1). Une thérapie antirétrovirale ininterrompue est nécessaire pour assurer un contrôle réussi de la réplication du VIH chez le patient, comme le montre toute interruption durable du traitement, qui entraîne une reprise de l’activité totale du VIH (2), ce qui peut également conduire à une augmentation de la morbidité, comme cela a été rapporté (3). Pour autant, une observation stricte d’un traitement anti-VIH peut conduire des patients usés par leur traitement à omettre leur traitement, tandis que ce genre de chimiothérapie d’une durée infinie peut entrainer des dommages collatéraux cumulatifs (4)(5). Bien que les combinaisons anti-VIH les plus récentes puissent comporter une toxicité intrinsèque moindre (6), beaucoup de cocktails médicamenteux anti-VIH actuels sont connus pour altérer le métabolisme des lipides et des glucides (7). Des données épidémiologiques ont soulevé des problèmes concernant des troubles cardiaques, du diabète, des troubles hépatiques ou certaines formes de cancers associés à des thérapies antirétrovirales très actives (HAART) chez des patients infectés par le VIH relativement âgés et sur le long terme (8-11). De plus, le coût d’un traitement anti-VIH reste lourd pour la communauté, au sens large, et peut décourager la poursuite du traitement dans de nombreux pays en voie de développement. En conséquence, la recherche d’interventions anti-VIH plus restreintes dans le temps – n’entraînant pas de rebond de la virémie VIH – est devenu un objectif hautement désirable, mais inatteignable. Dans ce contexte, depuis 2003, 48 patients soumis à nos soins de longue durée ont accepté une réduction progressive sur plusieurs mois de leurs régimes médicamenteux antiviraux hebdomadaires, de 7 jours/semaine à 5, 4, 3 et chez certains patients 2 jours/semaine.
MATÉRIELS ET MÉTHODES
Patients et calendrier de traitement
48 patients infectés par le VIH ont été choisis sur la base à la fois de leur consentement à suivre un mode de traitement inédit contre le VIH et de leur soumission à un contrôle répété. Cela a été fait dans notre clinique avec l’approbation du comité d’éthique de l’hôpital Raymond Poincaré concernant les maladies infectieuses. Au départ, un courrier individualisé reconnaissant le statut hors indication et non-validé de ces prescriptions exploratoires a été adressé personnellement et a été signé par chaque patient individuellement. Fondamentalement, il était proposé que les patients réduisent leur traitement à 5 jours consécutifs par semaine ; après que la suppression de l’activité du VIH ait été établie, les patients ont été invités à réduire leur traitement à 4 jours par semaine. Le traitement a ensuite été réduit à 3 jours/semaine et, finalement, chez un petit nombre de patients, à 2 jours/semaine. Les trithérapies ou quadrithérapies prescrites peuvent avoir varié avec le temps chez chaque participant, au gré du participant, ou en relation avec des effets indésirables ou avec la disponibilité de nouveaux régimes médicamenteux.
Contrôle de la virémie VIH, décompte des lymphocytes T dans le sang
On a contrôlé la réplication du VIH au moyen de 4 échantillonnages virologiques plasmatiques / an. Pour les patients recevant un régime à 3 ou 2 jours/semaine, des échantillons de plasma ont été prélevés toutes les 2-3 semaines. Les niveaux de VIH plasmatiques ont été mesurés par essai commercial : le test Amplicor HIV-1 Monitor (Roche Diagnostics GmbH, Mannheim, RFA), suivi à partir de 2007 du test Cobas AmpliPrep/Cobas Taqman HIV-1 (Roche Diagnostics). Une élévation de la cahrge virale plasmatique VIH supérieur à 50 copies/ml à 2 dosages consécutifs sur 1 mois défini l’échappement viral, d’où des modifications du traitement antiviral. En dehors de ce critère, un rebond de la charge virale plasmatique VIH, isolé – non-confirmé comme virémie VIH réelle dans un test ultérieur obtenu dans le mois suivant – a été considéré comme un léger écart (blip) non-significatif.
On a testé les décomptes et sous-ensembles des lymphocytes T avant traitement et à différents moments après le début de la thérapie, à partir de sang frais sous EDTA, en utilisant un système cytofluorométrie automatisé (Beckman Coulter, Fullerton, CA, USA). On a déterminé les décomptes absolus des leucocytes et les pourcentages relatifs sur ces décomptes totaux de leucocytes avec un compteur automatisé Beckman Coulter.
On a effectué un génotypage HIV-1 avec le kit de génotypage Trugene HIV-1 (Siemens, Munich, RFA) selon les spécifications du fabricant. Chaque virus échantillonné avait été dérivé d’un spécimen archivé de plasma congelé obtenu du patient max. 3 mois avant l’initiation du traitement régulier 7 jours/semaine. L’historique du traitement du patient et les précédents génotypes HIV-1 liés aux échecs de traitement précédents ont été collectés dans la mesure de ce qui était disponible.
Historique de traitement et génotypes VIH avant traitement intermittent
Quatre patients n’avaient jamais pris de traitement anti-VIH avant qu’une combinaison antivirale leur soit donnée 7 jours/semaine. Les 44 autres patients avaient été traités en une ou plusieurs occasions, et 14 d’entre eux avaient un historique de un à plusieurs échecs virologiques sous divers régimes antiviraux 7 jours/semaine (mono-, bi- ou trithérapies). Chez 11 de ces 14 patients, la souche VIH dominante présentait des mutations résistantes (de 1 à 6 mutations) dans le génome de la transcriptase inverse. Avant d’intégrer le régime de traitement 7 jours/semaine, 10 des 14 patients qui avaient subi des échecs de traitement antiviral présentaient en définitive un génotype VIH sauvage après des interruptions momentanées de min. 3 mois chacune.
Les génotypes avant traitement intermittent étaient disponibles pour 47 des 48 patients : 44 patients présentaient un VIH sauvage dominant ; 3 présentaient un VIH dominant porteur de une à plusieurs mutations de la transcriptase inverse : une unique mutation 184 I chez 1 patient, et 5 mutations chez les 2 autres patients (67N+69S+70R+184V+103N et 74V+115F+184V+100I+103N, respectivement). Chez ces 3 derniers patients, on a pris soin de choisir les combinaisons de médicaments qui suppriment le plus vraisemblablement les virus mutés. On n’a pas pu tester le génotype VIH chez 1 patient avec une charge virale sous le niveau de détection au début de la phase de traitement 7 jours/semaine.
Analyse statistique
Les résultats sont présentés sous forme moyenne ± écart-type. On a utilisé le test des rangs signés de Wilcoxon pour tester si les différences appariées des valeurs obtenues à partir de la ligne de base à chaque étape sont significatives. On a utilisé un test du χ² adapté aux petits nombres pour tester la différence des taux d’écarts fortuits entre les différents groupes.
RÉSULTATS
Caractéristiques des patients
Les caractéristiques des patients sont résumées dans le Tableau 1. La plupart des patients ont été traités, certains lourdement, avant d’intégrer l’étude. La majorité d’entre eux avaient eu un ou plusieurs évènements cliniques typiques du SIDA et/ou des décomptes de cellules CD4 < 200/ml. (table1)
Calendrier de prise hebdomadaire dégressive de médicament
Tous les 48 patients ont été traités par des combinaisons antivirales quotidiennes, 7 jours/semaine, pendant 82 ± 61 semaines (de 15 à 243 semaines). Ensuite, chez chaque patient, la virémie VIH devait rester sous les seuils de détection avant d’envisager une réduction du calendrier antiviral hebdomadaire. 47 patients ont d’abord réduit leur prise hebdomadaire de médicaments à 5 jours consécutifs, 2 jours sans, pendant 56 ± 40 semaines (11-210 semaines). 48 patients ont réduit leur prise d’antiviraux 4 à jours consécutifs, 3 jours sans, pendant 84 ± 46 semaines (14-217 semaines). 39 des 48 patients ont suivi le calendrier à 3 jours/semaine, 4 jours sans, pendant 50 ± 32 semaines (6-143 semaines). 12 des 39 patients ont suivi le calendrier à 2 jours/semaine, soit consécutifs (8 patients), soit disjoints (lundi et jeudi, 4 patients), restant sans traitement les 5 autres jours de la semaine. Les 12 ont suivi ce calendrier pendant 24 ± 10,5 semaines (12-51 semaines).
Combinaisons antivirales
Emtricitabine (FTC) [NdT =Lamivudine fluorée] + fumarate de ténofovir disoproxil (TDF) a été la paire préférentielle d’inhibiteurs de la transcriptase inverse (NRTI), structure nucléoside/nucléotide, totalisant 91,1% de toutes nos prescriptions ; 32,4% ont été combinés avec l’efavirenz (EFV), 35,6% à un inhibiteur de la protéase du VIH (PI) boosté au ritonavir (r) : atazanavir (ATZ), lopinavir (LPV), darunavir (DRV) ou fosamprenavir (fAPV), classés par ordre préférentiel de toutes les prescriptions. La didanosine (DDI) a été combinée avec FTC + TDF pour constituer un triplé de NRTI de base prescrit dans 20,4% de toutes les prescriptions, en association un des inhibiteurs de la transcriptase inverse non-nucléoside (NNRTI) suivants : Nevirapine (NVP), Efavirenz (EFV) ou Etravirine (ETV). Le raltégravir (RAL) et d’autres médicaments antiviraux rarement prescrits sont documentés dans le tableau 2. Globalement, les NNRTI ou les combinaisons à base d’inhibiteurs de protéase ont représenté 56,5% et 40,4% de toutes les prescriptions, respectivement. 12 des 48 patients sont restés avec la même combinaison de médicaments (triple ou quadruple) tout au long de la période d’observation. Les 36 autres ont pris min. 2 différentes combinaisons d’antiviraux pour une moyenne de 185 ± 61 semaines. Des exemples illustrés de différents schémas de traitement et leur éventuelle altération tout au long du suivi au cours du traitement sont présentées à la Fig. 1.
Résultats cliniques et immunologiques
Sur les 8928 semaines cumulées de suivi sous traitement intermittent, aucun évènement clinique majeur lié au VIH n’a été rapporté (Tableau 3). Deux épisodes d’herpès zoster auto-limité et circonscrit sont apparus chez 2 patients. Des 5 hommes avec antécédent de sarcome de Kaposi lié au VIH, aucun n’a souffert de rechute. Un patient a dû être traité pour un cancer invasif de la prostate et un, à 76 ans et avec un historique personnel et familial de maladie vasculaire, a souffert d’un infarctus du myocarde limité, après 5 ans de traitement antiviral intermittent. Ces deux évènements n’ont pas été considérés comme liés causalement à l’infection au VIH ni à un traitement antirétroviral.
Les lymphocytes TCD4 moyens du sang (décomptes absolus et pourcentages) ont augmenté du jour 0 à la fin de la période de traitement 7 jours/semaine (P=0,02). À partir de là, les décomptes et pourcentages CD4 moyens dans chacune des strates de décrément du traitement ont augmenté substantiellement au-delà des niveaux notés dans le dernier dosage effectué sous traitement 7 jours/semaine.
Résultats virologiques
Globalement, les 48 patients ont cumulé un total de 8895 semaines de traitement intermittent, min. 5 jours/semaine, en maintenant le VIH à des niveaux indétectables pour une moyenne de 185 ± 60 semaines (41-289 semaines). Comme indiqué plus haut, la virémie VIH devait rester totalement supprimée avant éventuellement de réduire les prises de médicaments antiviraux. Un contrôle permanent de l’activité du VIH a été assuré en accord avec ce principe chez 47 patients, qui sont restés sous traitement efficace de 5 jours/semaine pendant 56 ± 40 semaines (11-210 semaines), 48 patients sous traitement efficace de 4 jours/semaine pendant 84 ± 46 semaines (14-217 semaines), 35 patients sur 39 sous traitement efficace de 3 jours/semaine pendant 50 ± 32 semaines (6-143 semaines), et 10 patients sur 12 traités avec succès 2 jours/semaine pendant 24 ± 10,5 semaines (12-51 semaines). En tout, des 48 patients sous traitement intermittent min. 4 jours/semaine, la réplication du VIH est restée sous contrôle continu chez 42. 6 des 48 patients avaient un rebond viral documenté, comme défini par 2 niveaux plasmatiques consécutifs de VIH > 50copies/ml : 4 étaient à 3 jours/semaine, 2 étaient à 2 jours/semaine. Chez 5 des 6 dont le VIH a échappé au contrôle, le VIH plasmatique a fait un pic à moins de 1000 copies/ml, et 4 patients ont connu moins de 200 copies/ml pendant max. 2 mois avant qu’un traitement ajusté reprenne le contrôle de l’activité du VIH. La virémie VIH est montée au maximum à 2300 copies/ml pendant moins de 2 mois chez 1 patient.
Le tableau 4 résume la durée pendant laquelle et la composition de la combinaison antirétrovirale sous laquelle les 6 patients ont rebondi. 4 patients ont eu un rebond en régime 3 jours/semaine, 1 sous EFV 600 mg + FTC +TDF, une combinaison qui avait précédemment montré un contrôle optimal sur la réplication du VIH chez ce même patient sous régime de 7, 4 et 3 jours/semaine, ce dernier régime s’étant montré pleinement efficace pendant 69 semaines. 3 patients avaient leur charge virale sous contrôle avec un régime 4 ou 3 jours/semaine, combinant un PI boosté avec FTC + TDF, mais ensuite, le VIH a échappé au contrôle quand RAL a été introduit dans le traitement 3 jours/semaine en remplacement du régime PI boosté. 2 patients ont enregistré un échec virologique sous régime 2 ou 3 jours/semaine d’EFV combiné avec TDF + FTC. 1 patient a enregistré un échec virologique sous régime 2 jours/semaine de faibles doses quotidiennes de LPVr (400, puis 600 mg 1 fois par jour). 3 patients ont enregistré un échec virologique sous régime 3 jours/semaine avec RAL, en combinaison avec FTC + TDF chez 2 patients et avec ABC + TDF chez 1 patient.
5 patients sans échec virologique confirmé ont quitté l’étude quand leurs régimes de traitement hebdomadaire ont été ramenés à 7 jours/semaine : 1 en relation avec un résultat virologique faux positif, 3 pour convenance personnelle, et 1 pour interruption momentanée du traitement.
L’incidence des légers écarts de charge VIH (blips) en traitement (Fig. 2) a été faible, et n’a pas été différente sous régime 5, 4 et 3 jours/semaine comparé à la phase de traitement 7 jours/semaine ; les blips ont augmenté significativement jusqu’à une incidence de 12,8% sous régime 2 jours/semaine (P=0,012).
Suivi des patients et génotypes VIH sous traitement intermittent
Chez 5 de 6 patients dont le virus a échappé au contrôle sous traitement intermittent, une unique nouvelle mutation a émergé dans la transcriptase inverse du VIH sous forme d’un changement d’acide aminé 184I chez 3 patients et un changement 103N chez 1 autre patient. Le cinquième patient avait eu une mutation supplémentaire 65R dans son virus hautement muté (porteur de changements d’acides aminés aux positions 74V, 115F, 184V, 100I et 103N dans le génome de la transcriptase inverse). Aucune mutation de l’intégrase du VIH n’a émergé chez aucun des 3 patients qui avaient échoué sous un régime à base de RAL. Aucun génotype n’était disponible pour le sixième patient défaillant, parce que sa charge virale hors contrôle est restée < 200 copies/ml. Les 6 patients avec échec virologique ont été réaffectés à 7 jours/semaine avec une nouvelle combinaison, et tous ont vu leurs niveaux de VIH repasser sous contrôle sous 2 mois et le rester pour les 26 à 65 semaines passées, avec 5 sur 6 déjà de retour à moins de 5 jours/semaine de traitement.
DISCUSSION
Entre nos mains, des cycles courts de traitement antiviral intermittent ont paru sûrs et efficaces : en régime 5 jours de traitement, 2 jours sans, la virémie VIH plasmatique a été totalement supprimée pour une moyenne de 56 semaines, pour un total de 2626 semaines cumulées de thérapie constamment efficace chez 47 patients ; similairement, chez 48 patients sous régime 4 jours/semaine ou 3 jours/semaine, le VIH est resté sous contrôle optimal pour une moyenne de 84 semaines, et 4022 semaines cumulées de traitement constamment efficace. Un traitement antiviral pris seulement 3 jours/semaine a totalement supprimé la virémie plasmatique pour une moyenne de 48 semaines et un total de 1958 semaines cumulées de ce traitement réduit. Chez les 12 patients qui ont réduit leur traitement à 2 jours/semaine, le VIH est resté sous contrôle total pour une moyenne de 24 semaines, représentant 289 semaines cumulées de traitement efficace sous la réduction de traitement la plus drastique. Un historique d’échecs de traitements antiviraux n’était pas inhabituel chez nos patients, ce qui a conduit à l’émergence de VIH mutants résistants. Toutefois, l’échec d’un traitement antérieur n’a pas pu être impliqué dans un échec viral, excepté pour 1 des 6 échecs enregistrés. En fait, la plupart des souches VIH prétraitement étaient de type sauvage. Quand le VIH était devenu résistant – ou quand des patients avaient un historique d’échec de traitement – le VIH avait été laissé à se répliquer pendant des mois, et ainsi libre, sans la pression de sélection des médicaments antiviraux, avant que le traitement intermittent soit initié. Si un virus muté avait été archivé chez ces patients, il aurait été dilué pendant les périodes de recyclage du VIH sans médicament, au point que les espèces VIH dominantes précédemment mutées étaient apparemment supplantées, comme il est apparu sur un génotype ultérieur.
Trois causes d’échec ont pu être identifiées après analyse. L’une était la mauvaise observation du traitement ; chez un patient, il y a eu échec à un moment où sa vie privée a connu un bouleversement inattendu, et le VIH a échappé au contrôle sous une combinaison et un régime qui l’avait complètement supprimé pendant plus d’un an. Une deuxième cause d’échec a été associée à la réduction des doses quotidiennes d’un composant de la combinaison antivirale à cause de ses effets secondaires ; 2 patients ont échoué sous traitement 2 jours/semaine de doses quotidiennes réduites de PI ou d’EFV. Finalement, c’est un dosage d’antiviral inférieur à ce qui convient qui a probablement été responsable de l’échec sous traitement 3 jours/semaine chez les 3 patients dont le traitement a été changé pour un régime à base de RAL, pris à raison de seulement 400 mg 1 fois par jour au lieu du dosage quotidien recommandé 400 mg 2 fois par jour. Ceci – et le faible nombre de participants – ne peut étayer un éventuel abandon de la stratégie de traitement 3 jours/semaine.
La première étude en faveur d’un traitement intermittent à cycle court anti-VIH a été publiée en 2001 par Dybul et al. (12). 10 patients avec des décomptes plasmatiques VIH < 50 copies/ml ont entamé des cycles 7 jours/semaine sans HAART avec une combinaison stavudine + lamivudine + indinavir. Les patients ont maintenu une suppression du VIH de 32 à 68 semaines. Le même groupe a renforcé le concept dans une étude ultérieure (13) dans laquelle 8 patients, précédemment sous thérapie efficace, ont entamé une série de cycles 7 jours/semaine sans HAART avec un régime 1 fois par jour de ddI, 3TC et EFV. 7 patients ont maintenu la suppression de leur virémie VIH pendant 60-84 semaines, et 1 s’est retiré à la semaine 24. Une autre étude (14) a porté sur l’efficacité d’une thérapie antirétrovirale intermittente avec une stratégie 5 jours/semaine, 2 jours sans ; sur 29 patients évalués à la semaine 24, 26 avaient maintenu leur suppression virologique sous diverses combinaisons de trithérapies antivirales. 3 patients ont échoué (11%) ; 2 ont échoué avec une paire de combinaisons NRTI, l’une combinée avec NVP et l’autre avec PI boosté, et 1 patient a échoué sous une combinaison de 2 PI. Aucun autre patient n’a échoué entre les semaines 24 et 48 de cette étude.
Tandis que les 3 rapports ci-dessus tendent à soutenir la thérapie par traitement intermittent à cycle court, 2 autres ont soutenu le contraire. Ananworanich et al. (15) a comparé 3 régimes de traitement : ininterrompu / interruptions de traitement guidées d’après les cellules CD4 / traitement 7 jours avec – 7 jours sans ; sur 36 patients inclus, 19 (53%) subissaient un échec de contrôle du VIH pendant les 12 premières semaines sous traitement 7 jours/semaine. Cardielo et al. (16) a décrit 26 patients traités 7 jours avec – 7 jours sans traitement, dont 8 (31%) ont eu un échec de contrôle du VIH. Les limites de la thérapie par traitement intermittent à cycle court ainsi mis en évidence pourraient être interprétées à la lumière des études de Fisher et al. (17,18) qui a rapporté que le VIH retournait aux niveaux de détection – dès 8 jours – chez 11 sur 14 patients, chez qui le traitement venait d’être interrompu. Il est intéressant dans cette dernière étude que le temps effectif de résurgence du VIH après interruption du traitement se situait dans un intervalle de temps (4 à 14 jours) couvrant nos calendriers de traitement intermittent. Il se pourrait alors que des combinaisons antivirales à la limite de l’efficacité, données à des périodes intermittentes brèves, échouent pendant l’intervalle de 7 jours – trop long pour le contrôle ininterrompu de la réplication du VIH.
On s’attend à ce que des combinaisons anti-VIH dotées d’un effet antiviral intrinsèque à la limite de l’efficacité exigent un niveau d’observance du traitement proche de 95%, et certainement pas moins de 7 jours/semaine de prise quotidienne de médicament, pour atteindre et maintenir les objectifs antiviraux universellement recommandés (19-21). À titre d’exemple d’une telle contrainte, sous une base PI non-boosté, les échecs viraux ont été 2,5 fois plus fréquents quand les niveaux d’observation étaient < 90%, comparé à un recours optimal aux antiviraux dans une combinaison PI boostée (22). À l’inverse, une "observance" imparfaite s’est montrée "clémente" si la combinaison de médicaments était "assez puissante" contre le virus (23).
On s’attendrait à ce que la pression antivirale globale sur la réplication du VIH diminue quand le traitement anti-VIH est écourté jusqu’au calendrier de 2 jours/semaine. En fait, la fréquence des blips a augmenté jusqu’à 12,5%, significativement plus que la moyenne de 2,5% notée de façon indiscriminée sur les traitements à 7, 5, 4 et 3 jours/semaine. Il se peut que l’incidence des blips de charge virale dépende de l’effet anti-VIH intrinsèque d’une combinaison de traitements donnée et/ou de sa prise hebdomadaire. L’incidence des blips a été de 2,8% pour la paire préférentielle NRTI (TDF + FTC) combinée aux PI, DRVr, ATVr ou fAPVr ; elle a atteint 3,4% (avec 2 échecs virologiques) avec EFV + FTC + TDF, a monté à 7,7% avec LPVr à doses quotidiennes réduites, et jusqu’à 25% quand prise seule 2 jours/semaine (avec 1 échec enregistré). La même paire NRTI combinée à RAL a enregistré une incidence de blips de 19% (avec 3 échecs virologiques sous traitement 3 jours/semaine). A contrario, une incidence de blips nulle (et aucun échec virologique) a été enregistrée sous la quadrithérapie NVP + DDI + FTC + TDF. Ces considérations peuvent être pertinentes quand il sera question des choix de combinaisons dans les futurs essais cliniques pour évaluer la stratégie de traitement intermittent. Clairement, il ne faudra pas choisir de combinaisons antivirales à effet suboptimal ou limité sur la réplication du VIH pour un traitement intermittent à cycle court.
CONCLUSIONS
Les données collectées dans la présente étude offrent une base à une possible nouvelle approche du contrôle indéfini de l’activité du VIH par des médicaments antiviraux. Le régime antiviral efficace – choisi parmi une série de combinaisons antivirales puissantes et validées – a suffisamment affecté l’activité du VIH pour maintenir un contrôle constant pour un total cumulé de 8906 semaines sous traitements antiviraux pris max. 5 jours/semaine. Il a également été assez efficace pour permettre à des patients de prendre leurs médicaments max. 4 jours/semaine pour maintenir un contrôle sans défaut sur leur VIH pendant 48 semaines (46 patients), 96 semaines (38 patients), 144 semaines (22 patients) et 192 semaines (6 patients). Cette approche a conduit à une augmentation des décomptes absolus et relatifs en CD4 et à un bien-être clinique. Globalement, et pour autant qu’on sache, cet ensemble de données n’a pas d’équivalent à ce jour dans la littérature médicale. Des cycles courts répétés de traitement antiviral intermittent mais efficace semble être une stratégie alternative crédible aux expositions actuelles maximales aux médicaments antiviraux.
Une thérapie intermittente pourrait s’avérer pertinente pour réduire le caractère incommodant, le coût et la toxicité d’un contrôle effectif constant du VIH chez le patient traité, en particulier dans des pays aux ressources limitées. Le contrôle virologique soutenu observé ici avec les combinaisons rétrovirales choisies apparaît comme une première. Les données analytiques présentées ici pourraient servir de point de départ à des essais cliniques, prospectifs, multicentres, contrôlés dotés de la dimension statistique adéquate pour établir – ou réfuter – la non-infériorité des régimes à 4 et/ou 3 jours/semaine par rapport à 7 jours/semaine, faisant appel à un choix plus large de combinaisons d’antiviraux efficace chez des patients plus représentatifs de la population globale séropositive traitée. Dans notre étude, 26569 jours de traitement antiviral ont été économisés, pour un total d’environ 800.000 € de fonds publics, et ce pour seulement 48 patients traités sur une moyenne de seulement 3,5 ans, sans rebond VIH au-dessus du seuil de détection ultrasensible.
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